Natacha Nisic

Posted by Natacha Nisic

“Je n’ai plus peur de rien”

published on : May 26, 2025
Photographie couleur, 2024

Photographie réalisée avec une carte de la Manche de la navigatrice Dee Caffari.

Photograph composed with a map of the English Channel by sailor Dee Caffari.

First published in December 2024

Following of This is Not a Wall

published on : May 22, 2025

English bellow

La construction de ce qui fut dénommé par euphémisme « barrière de séparation » débuta en 2002. Le but avoué de ses promoteurs était de mettre fin aux incursions violentes des barbares. Tout comme les empereurs de Chine du deuxième millénaire avant notre ère. Tout comme les empereurs romains du IIe siècle. Son tracé sinueux, plein de boucles et de replis, courait sur la carte à travers les collines et les oliveraies, les villes et les déserts de Cisjordanie. “Judée-Samarie” dans la toponymie des promoteurs. En englobant les principales cités de colonisation bâties chez les voisins, la “barrière” servait un dessein moins avouable, l’annexion de quelques centaines de kilomètres carrés supplémentaires aux alentours de Jérusalem. Au cours des mois d’automne et d’hiver que j’ai passés là-bas en 2003-2004, les portions bétonnées en zone urbaine étaient encore en chantier. J’ai pu les observer à Ramallah, Jérusalem Est, Tulkarem, Bethléem, Qalqilya…

Le procédé est ingénieux. Le module principal est un panneau de béton préfabriqué aux dimensions standardisées – hauteur 9 mètres, largeur 1,20 m, épaisseur 0,80 m – percé aux extrémités de larges trous. Poids : 30 tonnes peut-être, je n’ai pas pu vérifier. La base du panneau se loge dans une tranchée peu profonde. Les panneaux sont accolés les uns aux autres sans jointure. Le crochet de la grue se glisse dans le trou supérieur et le grutier n’a plus qu’à déposer délicatement la pièce dans la tranchée. Simple comme un Lego. Les nombreuses tourelles servant à la fois de miradors, de fortins et de postes de surveillance électronique qui jalonnent l’ouvrage sont, elles aussi, préfabriquées et livrées en kit.

Il convient que les bâtiments les plus proches soient distants d’au moins 80 mètres et que leur hauteur n’excède pas deux niveaux de façon à ce que personne, même perché sur un toit et juché sur une échelle, ne puisse jouer au sniper. Le terrain était préalablement dénudé, les cultures arrachées, les serres détruites. Les bulldozers pulvérisaient une ou deux rues, les pelleteuses formaient des tas de gravats qui, je suppose, étaient ensuite dispersés dans les champs environnants. Les engins nivelaient, aplanissaient puis le terrain était recouvert de sable ou de gravillons. En une semaine, j’ai vu un quartier densément peuplé avec ses arbres et ses jardins changé en un tronçon d’autoroute lunaire. On pouvait encore voir sur les côtés la moitié d’une pharmacie éventrée, les ruines d’un café, des orangers abattus.

Pour faire passer au centre de villes bâties à flanc de colline des camions de très gros tonnage, il faut élargir les rues. Cela imposait de nouvelles démolitions et des expulsions en grand nombre. Les indigènes expropriés ne recevaient aucune indemnité. Des graffitis, des banderoles de protestation exprimaient en silence la colère générale. Les soldats patrouillaient autour du chantier et dans toute la ville, prêts à écraser toute velléité de rébellion.

Montage et démontage faciles. Rapidité, simplicité, économie de matériel et de main d’œuvre. Le chantier ne mobilisait que des conducteurs d’engins et des soldats. Les concepteurs de cette palissade modulable paraissaient avoir anticipé le jour où son tracé s’enfoncerait plus avant dans la chair du barbare. Pour eux, les frontières avaient toujours été des réalités élastiques.

A y regarder de plus près, ce mur qui n’est pas un mur est un garrot.


Construction of what was euphemistically called the ‘separation barrier’ began in 2002. The avowed aim of its promoters was to put an end to violent incursions by barbarians. Just like the emperors of China in the second millennium BC. Just like the Roman emperors of the second century.

Its winding line, full of loops and folds, ran on the map through the hills and olive groves, towns and deserts of the West Bank. ‘Judea-Samaria’ in the promoters’ toponyms. By encompassing the main settlements built by its neighbours, the ‘barrier’ served a less avowed purpose: the annexation of a few hundred more square kilometres around Jerusalem. During the autumn and winter months I spent there in 2003-2004, the concrete sections in the urban areas were still under construction. I saw them in Ramallah, East Jerusalem, Tulkarem, Bethlehem, Qalqilya…

The process is ingenious. The main module is a prefabricated concrete panel with standardised dimensions – height 9 metres, width 1.20 m, thickness 0.80 m – pierced at the ends by large holes. Weight: 30 tonnes approximately, I wasn’t able to check. The base of the panel is set in a shallow trench. The panels are joined together seamlessly. The crane hooks into the top hole and all the crane operator has to do is carefully place the piece in the trench. Simple as Lego. The many turrets that are used as watchtowers, forts and electronic surveillance posts throughout the structure are also prefabricated and delivered in kit form.

The nearest buildings must be at least 80 metres apart and no more than two storeys high, so that no-one can play the sniper, even if they are on a roof perched on a ladder. Beforehand, the land was stripped bare, the crops uprooted and the greenhouses destroyed. The bulldozers pulverised one or two streets, the diggers formed piles of rubble which, I suppose, were then scattered in the surrounding fields. The machines levelled and smoothed the ground and then covered it with sand or gravel. In the space of a week, I saw a densely populated area with trees and gardens turned into a lunar stretch of motorway. Half a gutted pharmacy, the ruins of a café and felled orange trees could still be seen on the sides.

To allow very large trucks to pass through the centre of cities built on a hillside, the streets needed to be widened. This meant further demolitions and large-scale evictions. The expropriated natives received no compensation. Graffiti and protest banners silently expressed the general anger. Soldiers patrolled the site and the whole town, ready to crush any hint of rebellion.

Easy to assemble and dismantle. Quick, simple, saving on materials and manpower. All that was needed on site were machine operators and soldiers. The designers of this modular palisade seemed to have anticipated the day when its line would penetrate further into the flesh of the enemy. For them, borders had always been elastic realities.
On closer inspection, this wall is a garrot.

First published in 2021. New edition.

Je n’ai plus peur de rien,

published on : December 16, 2024

Cette carte m’a été donnée par la navigatrice Dee Caffari, dans le cadre d’une vente pour les associations de sauvetage en mer. Le jour de cette publication quarante personnes viennent de périr englouties.

This map was given to me by sailor Dee Caffari, as part of a sale for sea rescue associations. On the day of publication, forty people had just perished.

black tree

published on : June 11, 2024

L’arbre noir – Black tree

Mer Rose – Pink Sea, Maui, 2023

published on : June 4, 2024

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Biography

Natacha Nisic is a French artist and film maker. She initiated the Project « Crown Letter ».

Natacha Nisic’s work explores the invisible, even magical relationship between images, words, interpretation, symbol and ritual. Her  work questions the nature of the image through various media: Super 8, 16MM, video, photography and drawing.  For Arte channel, she directed « Andrea’s Sky » (2014) and « Rather Die than Die » (2018) on the First World War and the German art historian Aby Warburg. She has created the Children’s Memorial at the Shoah Memorial in Paris and is working on issues of representation of extreme violence.

Her recent shows include the Centre Pompidou, the Top Museum Tokyo , Media City Biennale in Seoul, Bienal de la Imagen en movement in Buenos Aires, Munfret in Buenos Aires,  Hermès Foundation in Seoul (2012), K21 in Düsseldorf, Metropolitan Museum of Photography in Tokyo, British Film Institute, London.

www.natachanisic.net