Does seeing make a difference ?
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[English below]
Le choc des images ?
Printemps 1945. L’armée américaine force les civils allemands à défiler devant des milliers de cadavres suppliciés. Les soldats veillent à ce que les vaincus constatent de leurs propres yeux les crimes dont ils prétendent n’avoir jamais rien su. Les files sont interminables. On passe la mine fermée, la tête basse. On se bouche le nez, on tente de se cacher le visage, on se retient de vomir. Ni cris d’effroi, ni larmes, le silence est terrible. Il n’y a là que des vieillards, des femmes et des enfants. Les hommes et les adolescents sont tous prisonniers de guerre. Quelques semaines plus tard, l’armée d’occupation organise partout dans les villes, les villages et les camps de prisonniers des séances de cinéma obligatoires. On montre à l’écran des monceaux de corps décharnés retournés par des pelleteuses. La salle, où veillent des sentinelles américaines, reste assez éclairée pour surveiller les spectateurs qui tentent de se boucher les yeux. Le commentaire détaille des atrocités inouïes. Les Américains espèrent par cet électrochoc extirper le venin nazi de millions de cervelles.
La suite a démontré leur naïveté. Ce genre de venin n’est guère sensible aux images.
Les quinze mois qui viennent de s’écouler à Gaza nous ont montré que, même diffusées en direct, les images n’empêchent plus rien.
Does seeing make a difference?
Spring 1945. The American army forced German civilians to march past thousands of tortured corpses. The soldiers made sure that the defeated saw with their own eyes the crimes they claimed to have never known about. The queues were endless. People walked past with their faces closed and their heads down. They held their noses, tried to hide their faces and held back from vomiting. No cries of horror, no tears, the silence was dreadful. There were only old people, women and children. The men and teenagers were prisoners of war. A few weeks later, the occupying army organized compulsory cinema screenings throughout the towns, villages and prison camps. The screen showed piles of corpses turned over by diggers. The theatre, manned by American sentries, remained bright enough to keep an eye on the spectators, who tried to cover their eyes. The commentary detailed unimaginable atrocities. The Americans hoped this electroshock would extract the Nazi venom from millions of brains.
They proved to be naive. This kind of venom is hardly affected by images.
The last fifteen months in Gaza have shown us that, even when broadcast live, images no longer prevent anything.